Mon arrivé

[Ours43]

Bonjours,

Je me suis inscrit à ce forum en voyant que certains se demandaient si on pouvait faire tourner un moteur ancien à l'E85. Et, en parcourant quelques un des sujets de ce forum où on l'en parle, je me suis rendu compte que les interrogations et les doutes sont les mêmes que ceux que j'ai vu sur d'autres forum. Alors j'ai fait le pas de venir ici pour vous dire tout ce que je sais sur le sujet.

Le sujet est complèxe et passionnant, mais la vérité n'est pas facile à trouver sur le net, car partisant et adversaire de l'alcool carburant s'affrontent, aujourd'hui comme hier ou avant-hier avec dans chaque camp beaucoup de mauvaise fois (par hier, j'entends avant la seconde guerre mondiale).

Commençons par le cas le plus facile qui concerne peut-être quelques personnes ici: la Traction Avant. Citroen écrivait dans ses documents de l'époque qu'elle pouvait tourner à l'essence comme à l'alcool ou n'importe quelle proportion essence-alcool. Donc, si vous avez une Traction Avant, pas de soucis pour rouler à l'E85, Citroen lui-même a écrit que c'est bon... une fois réglage de la carburation et de l'avance à l'allumage refait.

Ensuite, sachez qu'au point de vue de la réglementation, ou plus exactement des normes sur le carburant, il n'y a pas une norme pour le SP95 et une norme pour le SP98: tous les deux ont exactement la même norme, seul le taux d'octane varie. Donc, du point de vue normatif, le SP 95 comme le SP98 peuvent tous les deux contenir de l'éthanol. C'est au niveau commerciale et publicitaire que la plupart (sinon tous) des distributeurs en France ont décidé, à une époque, de ne pas en mettre dans le SP98. De toute façon, pour les histoires d'attaque de matériaux divers, le méthanol est bien plus aggressif que l'éthanol. Or,si on compare les normes des superscarburants et de l'E85, on se rend compte que le pourcentage de méthanol toléré dans l'E85 est très inférieur à celui toléré dans le supercarburant, 98 comme 95. J'ai aussi trouvé des résultats présentés comme ceux d'un laboratoire américain réputé (je vous les mettrai une autre fois, je ne me rappelle plus où je les ai rangé), comme quoi les gaz brûlés de l'E85 sont globalement moins nocifs pour le moteur que ceux de l'essence normale. Notement vis à vis des alliages au magnésium qui sont très sensibles au méthanol.

En ce qui concerne l'aluminium, l'éthanol attaque l'aluminium pur. Or, sur les véhicules, toutes les pièces en aluminium sont en fait en alliage d'aluminium, pouvant avoir en plus subit des traitements divers. Le résultat est que les pièces en alliage d'aluminium sont difficilement attaqués par l'éthanol. De mémoire, selon les résultats publiés par le même laboratoire que tout à l'heure, il faudrait quelque chose comme plus de trois heures de contact continue à plus de 60°C entre l'éthanol à l'état liquide et les alliages d'aluminium testés dans cet expérience pour que ces derniers soient attaqués. Et les alliages testés se sont avérés non attaqués par l'éthanol à l'état gazeux.

De toute façon, il faut être logique: vus les produits très corrosifs que l'on retrouve dans les gaz d'échappement à l'essence - car la combustion de l'essence n'est jamais complète dans les moteurs à essences, du fait du grand nombre de très grosses molécules qu'elle contient - si l'intérieur de votre moteur est attaqué par l'éthanol, il n'aurait pas tenu bien plus longtemps à l'essence.

En ce qui concerne les pièces en caoutchouc, l'éthanol peut les attaquer, selon la nature du caoutchouc utilisé. Mais, en pratique, sur tous les moteurs que j'ai passé à l'E85, je n'ai jamais rencontré le cas. Moteurs dont la fabrication va des années 1920 aux années 1990. Mais c'est logique. D'après certains documents de l'Institut Français du pétrole que j'ai consulté, il faut savoir qu'en France, depuis l'entre deux guerre jusque vers les années 1970 ou 80, il y aurait toujours eu la possibilité pour les pétroliers de mettre une petite proportion d'éthanol dans l'essence, afin de pouvoir écouler l'éthanol fabriqué en grande quantité chaque année pour qu'il soit disponible (l' éthanol) pour la fabrication en grandes quantités de certains explosifs très utilisés en temps de guerre. Il est donc logique que les pièces des moteurs et véhicules destinés au marché français de ces époques ai une certaine tolérance à l'éthanol.

L'usage de l'éthanol comme carburant est très ancien. Je vous cite ce bon vieux Baudry de Saunier (les recettes du chauffeur): "Les moteurs à pétrole peuvent tous consommer de l'alcool au lieu de l'essence.
Le chauffeur a donc, depuis que de fréquentes épreuves en ont montré la possibilité, le loisir de ne consommer que de l'alcool, alcool pur ou alcool carburé, à son choix.
L'alcool pur présente toutefois un inconvénient: il ne forme avec l'air un mélange facilement explosible que si les parois que rencontrent le gaz sont à une température relativement élevée. La mise en route est donc difficile à l'alcool pur, si l'on n'a soin de chauffer au préalable le carburateur, ou si le moteur n'est déjà chaud au moment o on l'alimente d'alcool.
L'alcool carburé, alcool mélangé en proportions déterminées à un carburant, en général à une benzine de houille, présente au contraire l'avantage de ne guère s'opposer plus que l'essence à une mise en route rapide. On trouve aujourd'hui dans le commerce des alcools carburés spéciaux, en bidons de cinq litres, que l'on utilise absolument comme l'essence.
...
En résumé, pour marcher bien à l'alcool, il faut avoir soin: 1) en hiver, surtout, de réchauffer le carburateur, précaution superflue quand le moteur est déjà chaud lui-même, ou en été; 2) de charger un peu le flotteur; 3) de changer paroi l'ajustage [le gicleur] afin que le débit soit plus grand."

Passons aux essaies fait par l'armée française pour rouler à l'éthanol pur (fascicule 4 du traité de technique automobile du ministère des forces armées, tirage de 1953) :

"Alimentation à l'alcool au moyen d'un carburateur à giclage.

Le dispositif d'alimentation à essence doit être transformé de la façon suivante:

1° augmentation du poids du flotteur du carburateur (l'alcool ayant une densité supérieure à celle de l'essence)

2° Augmentation du calibre du gicleur et diminution de celui du diffuseur pour obtenir un mélange plus riche en carburant très lourd [note: je n'ai jamais eu à le faire pour l'E85, le lestage du flotteur a toujours suffit à augmenter assez le débit des gicleurs. Mais les carburateurs ont un débit des gicleurs plus ou moins sensibles au niveau de carburant dans la cuve, selon leurs conceptions. Certains nécessiteront donc bien un ajustement des gicleur, voir du diffuseur (de la buse si vous préférez...). Nous y reviendrons]

3) Adjonction d'un dispositif pour la mise en marche à froid. Ce dispositif peut être:
- soit un dispositif électrique qui permet la mie en marche à l'alcool seul et comporte une résistance baignant dans l'alcool, et chauffée par le courant de la batterie (puissance à prévoir: 120 watt)[perso, je pense que des bougies de préchauffage sur la tubulure d'admission, comme pour un Diesel, serait plus rationnel. Mais de toute façon, pour l'E85, pas besoin de réchauffage pour la mise en marche. Sauf peut-être en Sibérie... En tout cas, j'ai toujours parfaitement démarré, même par -30°, à l'E85 sans aucun réchauffage préalable]

- soit un petit carburateur auxiliaire permettant la mise en route à l'essence: dans ce cas on passe au fonctionnement à l'alcool quand le moteur est réchauffé. [inutile encore une fois pour l'E85, j'ai toujours démarré directement sur l' E85, sans réchauffage, même par des températures tellement au dessous de zéros que certains véhicules modernes Diesel n'arrivaient pas à démarrer...]

4) Réalisation d'un dispositif de réchauffage d'un des deux types suivants:

a) réchauffage du mélange air-alcool - Lorsque le moteur est alimenté à l'alcool, la tubulure d'admission doit être à une température de l'ordre de 80°C [encore une fois, pour l'alcool pur. Pas besoin d'autant pour l'E85 puisqu'il y a de l'essence dedans...].
Il serait donc bon que la tubulure d'admission eût un dessin spécial (tubulure intérieure et concentrique à la tubulure d'échappement), mais en général il suffit d'enfermer dans un carter en tôle les tubulures d'admission et d'échappement.
En outre, sur certains appareil [Land, GMC, etc...], on réchauffe l'émulsion à la sortie du carburateur en interposant entre la bride du carburateur et celle de la tubulure d'échappement une bride à double paroi dans laquelle on fait passer une dérivation des gaz d'échappement. [dans le cas du GMC et de certaines tubulures de land, il y a un volet pour régler la puissance de ce réchauffage. Des essaies doivent permettre de déterminer le meilleur réglage à adopter en fonction de la température extérieur et du carburant utilisé..]

b) Réchauffage de l'air admit au carburateur - Ce résultat peut être obtenu en coiffant l'orifice d'admission d'air du carburateur d'une tubulure qui permet de prélever l'air à proximité de la tubulure d'échappement. [autre variante possible sur certains véhicules pour réchauffer l'air admit: masquer en parti le radiateur en fonction de la température extérieure pour augmenter la température sous le capot... Nécessite une mesure continue de la température du liquide de refroidissement pour ne pas mettre en péril le moteur. Si, ça marche, je l'ai fait...].

5) Modification du taux de compression. Il convient, par ailleurs, d'augmenter le plus possible le taux de compression du moteur, compte tenu des possibilités matérielles [comprendre par là outillage disponible, résistances des bougies, et architecture du moteur considéré].
Un moteur à essence très bien étudié consommant (avec un taux de compression de 7) 240 g d'essence au cheval heure (essence de pouvoir calorique inférieur de 10500 kilocalories au kilogramme, ce qui correspond à un rendement de 0,25) consommera 415 gramme d'alcool au cheval heure.
En faisant passer le taux de compression de 7 à 10, on améliore le rendement de 12 p. 100 et la consommation d'alcool est réduite à 366 grammes cheval heure. Dans ces conditions, une voiture consommant 10 litres d'essence aux 100 kilomètres consommera, à performance égale, 13 litres 8 d'alcool, le rendement passant de 0,25 à 0,28.
C'est là le maximum que l'on puisse atteindre en adaptant un moteur à carburateur au fonctionnement à l'alcool. Il y a lieu de noter que cette augmentation du taux de compression interdit la marche à volonté à l'alcool ou à l'essence.[je rappelle qu'en France, si vous modifiez le taux de compression d'un moteur de façon notable, il faut faire ensuite une réception à titre isolé. Donc je m'en suis toujours passé]

6) Superhuilage. Un dispositif de superhuilage est très utile: en effet l'alcool tend à dessécher et à oxyder les hauts de cylindre. Le superhuilage obvie à cet inconvénient.
Lorsqu'on n'emploie pas de dispositif de superhuilage on peut mélanger de l'huile au carburant: toutefois, les huiles minérales, non miscibles à l'alcool, sont à proscrire. L'huile de ricin, par contre, employée dans la proportion de 1 p 100, donne de bons résultats." [personnellement, j'utilise de l'huile de ricin, ou/et un additif à base de graphite colloidale. Notez que vous pouvez faire tourner un moteur 2 temps à l'E85, il suffit en première approximation de mettre dedans une proportion d'huile de ricin égale à celle de l'huile minérale figurant sur la notice du moteur.][Faute de ces deux produits, vous pouvez utiliser une huile 2 temps, si possible miscible à l'alcool (mais même une minérale, en se mélangeant dans la par essence de l 'E85 fera le travail), ou une huile alimentaire quelconque. Préférez alors l'huile d'olive: si, avant l'avènement du pétrole, l'armée s'en servait pour faire ses huiles et graisses d'armes, c'est que l'huile d'olive ne se démerde pas trop mal en terme de lubrification à chaud]

Et, bien sûre, il faut mettre assez d'avance à 'allumage. J'en profite pour vous faire remarquer en passant qu'il se dit que l'avance à l'allumage donnant le meilleur résultat sur un moteur est celui juste avant l'apparition du cliqueti. Attention, cela n'est vrai que si vous faites tourner votre moteur avec un carburant pour lequel la courbe d'avance donnant le cliquetis se trouve en dessous de la courbe d'avance donnant la puissance maximal, ou si elle se confond avec elle. Si avec le carburant et le moteur considéré, la courbe de cliquetis se trouve au dessus de la courbe de puissance maximum, ce qui sera le cas le plus fréquent avec la plupart des moteurs d'avant les années 1970 tournant avec les carburants actuellement disponibles en France, et notemment l'E85, si vous réglez votre avance à la limite de cliquetis, vous aurez une perte de puissance par excès d'avance sans avoir de cliquetis. Si vous voulez en savoir plus, je vous suggère de vous procurer et lire le fascicule consacré à l'allumage du traité de technique automobile du ministère des forces armées, où tout cela est expliqué clairement et en détail.

Pour le moment, je n'ai encore jamais rencontré la nécessité de monter des bougies d'un indice thermique différent de celui pour l'essence, et je trouve dangereux le conseil donné par certains de mettre une huile plus fluide que pour l'essence sous prétexte que le moteur chauffe moins. J'ai en effet constaté que, s'il est plus dure à faire chauffer que l'essence, on peut quand même y arriver. Alors je m'en tiens à la base: viscosité à froid pas supérieur à celle préconisée par le constructeur, et viscosité à chaud au moins égale à celle préconisée par le constructeur.

Pour des ouvrages traitant du sujet, un certain J. Jalbert a écrit un ouvrage sur les moteurs à alcool. Et vous trouverez sur le site de la BNF les articles d'Ernest Saurel rapportant ses expériences et conclusions sur le sujet, travaux qu'il a effectué vers 1905.

Si vous voulez des détails supplémentaires, il suffit de demander.

[Laurent 63]

Très intéressant tout ça. Il va falloir placer ceci dans une rubrique dédié

[navy 83]

[Al-1]

Bonsoir Ours43, sur le forum
Al-1

[JP31]

Bonsoir et bienvenue
Ben va y en avoir des ours sur le forum, ours43, grizzly suisse ...
Moi qui suis dans les Pyrénées centrale envahit par ces ursidés lachés au frais du contribuable
Je n'en dirais pas plus

images.jpg (13.63 Kio) Vu 724 fois

Bienvenue
Amicalement JP31

[Ours43]

JP, un ours dans son jardin éloigne les visiteurs inbdésirables (belles-mères, cambrioleurs, etc...)

Sinon, pour revenir au sujet, quelques liens intéressant:

http://sciences.gloubik.info/spip.php?article1795

http://e85eml327.blogspot.com/2017/12/1 ... teurs.html

Un des documents dont je vous parlais dans mon message initial: https://www.amazon.fr/Moteur-%C3%A0-alc ... B00180PCS6

[Laurent 63]

Bonjour L'Ours

Pourrais tu créer une rubrique dédié a tes expériences et autres documentations relatives à l’Éthanol ?
Cela pourrait intéresser pas mal de monde et moi le premier mais ce serait nettement plus accessible dans une rubrique autre que celle dédié aux présentations .

En te remerciant

[Laurent 63]

Je t'ai ouvert une rubrique dédié

viewtopic.php?f=21&t=7424

[Herve54]

Bonjour et sur le forum

C'est plus q'une présentation que tu nous fais ici !

Sujet très intéressant.

Hervé